Traitement de la loaose
Le traitement de la loaose est complexe. Il doit être adapté aux caractéristiques parasitologiques de chaque patient et au rapport bénéfice/risque global. Le traitement de la maladie n’est pas sans risque et des complications graves, voire mortelles, peuvent survenir, en particulier si les médicaments sont choisis de manière inappropriée.
Trois médicaments aux mécanismes pharmaceutiques différents sont couramment utilisés pour traiter la loaose. Il s’agit de la diéthylcarbamazine, de l’ivermectineet de l’albendazole (ALB).
Diéthylcarbamazine :
La diéthylcarbamazine est active contre le ver adulte (macrofilaricide) et les microfilaires (microfilaricide). Elle est de ce fait considérée comme la meilleure substance pour le traitement curatif de la loaose. La diéthylcarbamazine agit contre les macrofilaires et les microfilaires en induisant une paralysie. Ce mécanisme permet d’obtenir une efficacité élevée sur les microfilaires et une efficacité suffisante contre les macrofilaires. La diéthylcarbamazine entraîne une guérison complète chez environ 40 à 80 % des patients par cycle de traitement lorsqu’elle est utilisée selon un schéma de trois à quatre semaines à des doses quotidiennes de 5 à 10 mg/kg. En raison de sa rapidité d’action, une proportion significative de patients présente des effets indésirables, modérés à sévères, en particulier au début du traitement. Des réactions graves et potentiellement mortelles, telles que l’encéphalopathie, apparaissant généralement dans les 24 heures suivant le début du traitement, se produisent principalement chez les personnes ayant une microfilarémie supérieure à 2 000 mf/mL et sont souvent associées à des hémorragies rétiniennes.
Ivermectine :
L’ivermectine a été utilisé à grande échelle dans l’administration de masse de médicaments pour lutter contre l’onchocercose et la filariose lymphatique. De plus, l’ivermectine améliore l’adhésion des patients car il est administré par voie orale en dose unique (150-200µg/kg). L’ivermectine peut réduire considérablement la quantité de microfilaires d’environ 90 % avec une seule dose. L’administration mensuelle répétée conduit à une élimination complète et prolongée de la microfilarémie dans le cas de la loaose. L’ivermectine peut cependant entraîner des réactions anaphylactiques aiguës et des encéphalites associées à son usage. Pour réduire les effets indésirables graves, l’ivermectine doit être administré aux personnes dont la microfilarémie est comprise entre 2 000 mf/ml et 8 000 mf/ml. L’ivermectine peut être envisagé pour réduire la quantité de microfilaires, afin de permettre un traitement curatif ultérieur par l’utilisation de la diéthylcarbamazine.
Albendazole :
L’albendazole est un anthelminthique benzimidazole à large spectre qui agit sur les microtubules du parasite. La durée nécessaire du traitement per os avec l’albendazole est de 400 à 800 mg/jour pendant au moins 3 à 4 semaines. L’albendazole a un effet retardé, probablement principalement indirect, sur le nombre de microfilaires (la réduction commence après environ deux semaines) et semble efficace contre les stades adultes de la Loa loa dans des schémas de traitement de plusieurs semaines. Par conséquent, l’albendazole a été utilisé chez des individus présentant une hypermicrofilarémie (> 8 000 mf/ml), afin de réduire la microfilarémie de manière séquentielle avant d’administrer l’ivermectine ou la diéthylcarbamazine. L’administration d’albendazole en association avec un régime ivermectine à dose unique peut être envisagée. Cependant, l’efficacité de ce schéma thérapeutique reste incertaine.
À ce jour, l’on ne dispose de données que sur quelques centaines de patients traités avec des schémas d’albendazole, de sorte qu’aucune conclusion définitive ne peut être tirée sur l’innocuité et l’efficacité de l’albendazole dans le traitement de la loaose. Néanmoins, il est de plus en plus évident que l’albendazole peut, dans certains cas individuels, provoquer une encéphalite après un traitement contre la loaose. En outre, l’albendazole peut provoquer des changements hématologiques tels que la leucopénie, l’anémie, la pancytopénie et l’agranulocytose ; il peut également être responsable de l’augmentation des enzymes hépatiques. L’albendazole ne doit pas être administré aux enfants de moins de 6 ans, en cas d’hypersensibilité au benzimidazole, de preuve ou de suspicion (antécédents de convulsions) de cysticercose oculaire ou cérébrale active.
- Diéthylcarbamazine (traitement de première intention)9 mg/kg répartis en trois doses par jour pendant 21 jours ; plus d'un cycle de traitement de 21 jours peut s’avérer nécessaire car le taux de guérison se situe entre 40 % et 80 % par cycle ; contre-indication chez les patients coinfectés par l'onchocercose.
- Albendazole (option thérapeutique alternative)400 mg* deux fois par jour pendant un cycle de traitement de 4 semaines ; le taux de guérison n'est pas clairement établi.
- Albendazole-ivermectine (autre option thérapeutique)Albendazole (comme décrit ci-dessus) suivi séquentiellement d'une dose unique de 150-200 μg/kg d'ivermectine ; données contradictoires sur le taux de guérison global.
- Diéthylcarbamazine (traitement de première intention)Titrage lent commençant par 50 mg en dose unique le jour 1, puis 50 mg trois fois le jour 2, 100 mg trois fois le jour 3, puis 9 mg/kg divisés en trois doses quotidiennes jusqu'au jour 21 ; chaque cycle de traitement de 21 jours entraîne un taux de guérison de 40 à 80% ; plus d'un cycle peut être nécessaire ; contre-indication chez les patients coinfectés par l'onchocercose.
- Albendazole (autre option thérapeutique)Un traitement à dose de 400 mg* deux fois par jour pendant un cycle de traitement de 4 semaines entraîne une réduction relativement sûre de la microfilarémie ; le taux de guérison n'est pas clairement établi.
- Albendazole-ivermectine† (option thérapeutique alternative) L'albendazole (comme décrit ci-dessus), suivi séquentiellement d'une dose unique de 150-200 μg/kg d'ivermectine, entraîne une réduction relativement sûre de la microfilarémie ; données contradictoires sur le taux de guérison global.
- Albendazole (traitement de première intention) 400 mg* deux fois par jour pendant un cycle de traitement de 4 semaines en tant que traitement autonome ou en tant que traitement préparatoire pour abaisser la microfilarémie à moins de 2 000 microfilaires par ml pour un traitement séquentiel avec la diéthylcarbamazine (voir ci-dessus).
- Ivermectine (traitement de première intention) 150-200 μg/kg en dose unique en guise de traitement préparatoire pour abaisser la microfilarémie à moins de 2 000 microfilaires par ml, pour un traitement séquentiel avec la diéthylcarbamazine (voir ci-dessus).
- Albendazole-ivermectine† (autre option de traitement) L’albendazole (tel que décrit ci-dessus) suivi séquentiellement d'une dose unique de 150-200 μg/kg d'ivermectine en traitement autonome ou en traitement préparatoire pour abaisser la microfilarémie à moins de 2 000 microfilaires par ml pour un traitement séquentiel avec la diéthylcarbamazine (voir ci-dessus).
- Albendazole (traitement de première intention)400 mg* deux fois par jour pendant un cycle de traitement de 4 semaines en tant que traitement autonome ou en tant que traitement préparatoire pour abaisser la microfilarémie à moins de 8 000 microfilaires par ml pour un traitement séquentiel par l’ivermectine†. Ce dernier pouvant être administré en tant que traitement autonome ou en tant que traitement préparatoire pour abaisser la microfilarémie à moins de 2 000 microfilaires par ml pour un traitement séquentiel par diéthylcarbamazine (voir ci-dessus).
- Aphérèse (traitement de première intention) La réduction mécanique de la microfilarémie par plusieurs cycles d'aphérèse permet de réduire en toute sécurité la microfilarémie avant les traitements indiqués ci-dessus.
- Albendazole (autre option thérapeutique)De rares cas d'encéphalopathie associés au traitement par l’albendazole indiquent que cette approche thérapeutique n'est pas sans risque ; la réduction progressive des microfilaires est l'objectif du traitement avant le traitement indiqué ci-dessus pour les cas de loaose dont le nombre de microfilaires est inférieur à 30 000 microfilaires par ml.
- Antihistamines and corticosteroidsAntihistaminiques et corticostéroïdes Les antihistaminiques et les corticostéroïdes peuvent être utilisés pendant les premiers jours du traitement pour réduire la gravité des effets indésirables du médicament ; cependant, les traitements d'appoint n'ont pas d'influence sur la survenue ou la gravité des effets indésirables graves potentiellement mortels, y compris l'encéphalopathie.
*Il a également été démontré que l'administration de 200 mg deux fois par jour avait un effet significatif sur la microfilarémie. Compte tenu de la biodisponibilité globalement limitée de l'albendazole, avec une importante variabilité interindividuelle et intra-individuelle, et du bon profil d'innocuité de l'albendazole à une dose quotidienne de 800 mg, un schéma posologique de 400 mg deux fois par jour est suggéré dans l'algorithme de traitement proposé. † L'ivermectine est administrée après 28 jours de traitement à l'albendazole et confirmation d'une microfilarémie inférieure à 8000 microfilaires par mL.
Autres traitements
Plusieurs essais cliniques ont été réalisés et sont en cours pour améliorer le traitement de la loaose. L’efficacité de l’imatinib contre la loaose a été évaluée mais n’a pas répondu aux attentes. Actuellement, la moxidectine, une macro-lactone apparentée à l’ivermectine, fait l’objet d’essais cliniques de phase II au Gabon (ICTRP ID : PACTR202303704849277) et au Cameroun (ClinicalTrials.gov ID : NCT04049851). Le lévamisole est actuellement évalué dans des essais cliniques de phase II et III (ClinicalTrials.gov ID : NCT06252961) au Congo. D’autres médicaments, tels que le flubendazole et l’oxfendazole, sont étudiés pour leur potentiel thérapeutique.
Remarques sur le traitement pendant la grossesse et l'allaitement
À ce jour, la loaose n’est pas connue pour être à l’origine d’événements indésirables durant la grossesse ou à la naissance. Aucune transmission verticale pré-, intra- ou post-partum n’a été rapportée. Il n’est donc pas recommandé de traiter les femmes enceintes ou allaitantes. Le traitement doit être instauré après la grossesse et l’allaitement.
Traitement non-médical
Le ver adulte peut être extrait avec précaution lors du passage du ver dans l’œil ou du passage intradermique transitoire. Bien que cette approche thérapeutique constitue une approche causale, elle n’est pas pratique chez les patients se présentant avec plusieurs vers adultes. Par conséquent, l’extraction du ver adulte peut s’avérer utile chez les personnes infectées par un seul ou un petit nombre de vers.
L’aphérèse est une autre intervention non médicale qui a été employée avec succès chez des patients atteints de loaose hypermicrofilarémique. Ici, la réduction mécanique de la microfilarémie en plusieurs cycles réduit en toute sécurité les charges microfilariennes et prépare ainsi le patient à un traitement ultérieur sûr avec des médicaments antifilariens en vue d’une guérison complète.